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A l'ère des "fake news", comment distinguer les fausses informations des vraies sur les réseaux sociaux?

 
 

Les "fake news" comme le dit si bien Donald Trump: vous en voyez peut-être passer sur votre fil Facebook ou sur d'autres réseaux sociaux. Ces infos, qui ont l'air vraies, sont fausses. Comment le savoir? Comment les détecter? Quelles sont les astuces faciles pour savoir si c'est un piège? Trois invités étaient là pour en parler sur Bel RTL dans le RTL INFO 12H30.

Le week-end dernier, une fausse rumeur circulait sur les réseaux sociaux: "Coralie, une mère de famille, est morte pendant une manifestation de gilets jaunes à Paris". Sur Facebook, des faire-part circulent, des vidéos de personnes qui confirment le décès, et même la vidéo d'un homme qui pleure. Pourtant, tout était faux. Comment repère-t-on qu’il s’agit d’une fausse information lorsqu'on est journaliste? Comment fait-on le tri entre les vraies et les fausses informations? Deborah Van Thournout, journaliste pour le site et l’application RTL INFO, explique: "La première question qu’on se pose, c’est, quelle est la source? D'où vient cette information? Et là, on se rend très vite compte que ce faux faire-part de décès, ces vidéos, sont partagés par des comptes anonymes, par des personnes qui sont difficilement identifiables. C’est impossible pour nous d’interroger les protagonistes sur les vidéos, de retrouver la trace de la personne décédée. Ensuite, on contacte les Affaires étrangères pour voir s’il y a un décès d’une Belge à Paris, ce n’est pas le cas. Du côté des secours à Paris, on ne déplore pas de décès en marge de la manifestation. Là, on peut déterminer qu’il s’agit d’une fausse information".


"Leur intérêt est de vous manipuler"

Quand vous êtes sur votre fil Facebook, quelles sont les choses qui peuvent alerter sur le fait que c’est sans doute une fausse information? Antonio Solimando, journaliste politique RTL INFO, explique: "Le fait de remonter la source, de voir qui partage, de se demander, qui a intérêt à me manipuler? C’est déjà un premier réflexe", explique le journaliste. Il existe certains sites dont le nom peut faire penser qu’il s’agit de médias, mais ce n’est pas le cas. "Vous avez trois fois le mot média ou info dans l’histoire, mais ce site-là, c’est un site qui partage toute une série de fausses informations. Parfois, c’est plus pernicieux, vous allez avoir quelque chose qui ressemble très fort à un média existant. Le Nouvel Observateur devient Les Observateurs.ch, un site très connu à l’extrême droite, Wikistrike, qui est un site complotiste, qui ressemble à Wikipedia. Leur intérêt est de vous manipuler, de vous faire croire que vous lisez une information dans une belle mise en page, alors que ce n’en est pas une, donc le premier réflexe, c’est peut-être de vous inquiéter de qui partage, et de faire davantage confiance, même si les journalistes ne sont pas infaillibles, à des médias de référence, avec des journalistes professionnels dont le métier est d’informer".


Des chatons dans des bocaux... pour vendre des listings d'adresses

Julien Gras est chargé de mission au CIEP, le Centre d'Information et d'Education Populaire (Hainaut Centre), il a donné des ateliers sur les fake news en partant d'un cas concret. "L’exemple qu’on prend souvent dans nos formations, c’est une histoire qui est sortie par mail au début des années 2000, et qui s’appelait les Bonsaï Kitten. C’était une image qui circulait beaucoup avec des petits chatons qui étaient mis dans des bocaux, avec des explications scientifiques sur la raison, et la manière dont cela avait été fait. On demandait aux gens qui s’opposaient à ce genre de pratiques de signer une pétition. Ça a été un succès phénoménal, il y a eu plusieurs dizaines de milliers de signatures qui ont été récoltées, et cette information était fausse". Pourquoi cela a si bien marché? Parce qu’on jouait sur trois niveaux, explique Julien Gras: "L’aspect sensible, quand on voit des images avec des chatons maltraités, ça parle à beaucoup de gens. La deuxième chose, c’était le discours pseudo scientifique, comme on ne comprend pas, on peut tomber facilement dans le panneau, et le coup de grâce, c’est la pétition". "Pourquoi on ferait signer une pétition, si on ne demande pas d’argent ? C’est que d’office, c’est vrai…", se dit-on. En réalité, grâce à ces dizaines de milliers de signatures, les auteurs ont pu récolter un listing de mails qui a été revendu à des publicitaires.

A quel moment décèle-t-on que c’est faux? La première étape, c’est se demander si c’est possible de faire cela, en posant la question à des spécialistes. Ensuite, rechercher l’origine de la pétition: "A force de recoupements, on s’est rendu compte que ce n’était pas quelque chose de sérieux", explique Julien Gras.


Retrouver l'historique d'une photo sur internet

Sur Facebook, on voit aussi passer des photos avec une légende. Olivier Schoonejans reprend l’exemple d’une photo qui montrait un bateau surpeuplé de migrants, certains étaient même accrochés aux cordes de l'ancre, avec ce message, "Les migrants arrivent en Europe". En réalité, il s’agissait d’une image de la crise de Balkans qui datait de 1991.

On peut effectivement faire dire ce que l’on veut à une image, explique Deborah Van Thournout. Pour retrouver les traces d’une photo sur internet, son historique, il est possible de faire une recherche inversée, en sauvegardant l’image en question, puis en la chargeant sur images.google.com. "Cela va vous permettre de retrouver l’histoire de cette photo sur internet. Et c’est comme ça qu’on peut se rendre compte qu'une photo a 10 ans".


Des images manipulées qui reviennent de façon cyclique

Certaines photos reviennent de façon cyclique. Six mois plus tard, on revoit la même photo, avec la même histoire, et on a l’impression que c’est arrivé hier, explique Antonio Solimando: "J’ai un exemple en tête d’un petit film, d’une dame qui a pris son téléphone pour filmer ce qu’elle voyait dans un hôpital à Marseille, une réunion de personnes qui étaient en habits traditionnels d'un pays d'Afrique, une cinquantaine de personnes, et elle l’avait interprété dans sa vidéo comme étant une forme "d’invasion et de profit de personnes étrangères" d’un certain service public français. Après enquête, cette vidéo a été publiée en 2015, et je la vois régulièrement revenir tous les trois ou quatre mois, et il y a plus d’un million de vues sur certains comptes YouTube. En réalité, il s’agit d’une levée de corps suite au décès d’une personne comorienne, il y a une communauté comorienne très importante à Marseille, et les proches venaient simplement assister à cet événement".


Comment débusquer un fake ou une arnaque?

Lorsque quelqu'un qu’on connaît, en qui on a confiance, partage une information qui nous semble douteuse sur Facebook, comment procéder? Julien Gras reprend un exemple récent, d’une image qui annonçait un article montrant comment on voyait la vie avant et après 30 ans. "Des personnes en qui on a tout à fait confiance pouvaient partager cela. Si vous-même, vous aimiez la publication, cette annonce apparaissait également sur votre profil Facebook. Plein de gens ont été piégés, certains estiment d’ailleurs que cela servait à obtenir des informations sur leur ordinateur". Le "fake" était particulièrement bien réalisé. L’un des moyens de le débusquer, pour Julien Gras, c’est l’origine du site: "Ils avaient mis un site qui faisait référence à Amazon. C’est une astuce qui est utilisée régulièrement, prendre des noms de domaine qui sont fort proches du domaine existant, c’est quelque chose qui peut mettre la puce à l’oreille. Parfois, vous avez des articles où vous avez énormément de points d’exclamation, ou ce qu’on appelle des articles qui visent à ce que les gens cliquent dessus, généralement, il faut s’en méfier. Ce n'est pas parce que 1000 personnes ont "liké" ça que c’est d’office vrai".


"Si c'est trop gros, c'est bizarre"

Un autre indice, c’est aussi de se dire qu’on ne voit cette information que sur son fil Facebook et pas ailleurs. "Il faut parfois se fier à son intuition, si c’est trop gros, c’est bizarre, pourquoi les médias traditionnels n’en font pas leur Une, pourquoi personne n’en parle? En une petite recherche sur Google, on va parfois être très vite fixé", estime Deborah Van Thournout. "C’est le travail des journalistes de vérifier l’information. Avec ce que vous allez retrouver sur votre fil Facebook, publié de façon brute, il n’y aura pas le même travail de vérification derrière"


"Mentez, on en retiendra toujours quelque chose"


"Il y a parfois des objectifs commerciaux, de piratage informatique de vos données, il y a aussi des objectif de modification d’opinion publique. Quand on interroge des membres de groupuscules du style "Schild en Vriend", d’extrême-droite flamande, on crée 10, 20 ou 30 comptes par membre de ces groupuscules, avec l’objectif de partager un certain nombre de fausses informations sur l’immigration, dans le but de faire fléchir l’opinion publique, de l’influencer vers un rejet massif de l’immigration qui leur apportera un bénéfice au fur et à mesure de leur engagement politique"
, détaille Antonio Solimando, qui rappelle l’adage: "Mentez, on en retiendra toujours quelque chose": "Plus on arrive à distribuer ce genre de publications, plus on noie les vraies informations publiées par les journalistes ou des gens qui n’ont pas de mauvaises intentions".

Facebook, de plus en plus, donne une info sur le site de provenance de l’information, indiquant qu’il est vérifié ou non. Il y a aussi les comptes certifiés sur Instagram, YouTube ou Facebook, à côté desquels apparaît un petit "V" bleu,  même si ces comptes peuvent eux aussi être piratés…


Des légendes urbaines aux "hoax"

Des auditeurs conseillent de consulter les sites hoaxbuster ou hoaxkiller: "C’est un site qui répertorie les hoax, c’est-à-dire de fausses informations, avant on appelait ça des légendes urbaines, ce n’est finalement pas du tout nouveau", explique Deborah Van Thournout.

Un autre auditeur rappelle qu’un journaliste allemand a publié de faux articles durant des années, alors qu’il s’agissait d’un vrai journaliste: "Il a même gagné des prix pour certains de ses articles qui étaient des faux", explique Antonio Solimando. "Attention, il y a aussi des fausses informations au sein des rédactions, ça peut arriver de façon fortuite, parfois visiblement de façon intentionnelle. Ce qu’il faut dire, c’est que si on connaît aujourd'hui cette supercherie, c’est parce qu’un autre journaliste du journal en question – Der Spiegel – a enquêté pour dénoncer ce confrère mal intentionné".


 

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