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Comment lutter contre l'islamisme extrémiste? La Belgique est à la traîne

Comment lutter contre l'islamisme extrémiste? La Belgique est à la traîne
©BELGA
 
 

Actuellement en Belgique, 300 extrémistes islamistes sont surveillés. Parmi eux, des propagandistes et des individus qui reviennent de zones de combat. Après l'arrestation à Eupen de deux jeunes qui avaient prêté allégeance au groupe Etat Islamique et prêts à commettre une attaque à l'arme blanche contre des policiers, nous faisons le point sur cette radicalisation.

Alors qu'un projet d'attentat contre des policiers a été déjoué en Belgique le week-end dernier, que l'Europe a été touchée ces dernières semaines par de nouveaux attentats (anciens locaux de Charlie Hebdo, Samuel Paty, Nice, Vienne...) commis par des islamistes et que le 13 novembre, cela fera 5 ans que plus de 130 personnes perdaient la vie à Paris, RTLinfo a épluché les derniers rapports des services de sécurité et questionné des agents de ces services et des chercheurs.

Depuis près de deux ans, la Commission parlementaire chargée de suivre la mise en oeuvre des recommandations de la Commission d'enquête "attentats" ne s'est plus réunie. Depuis la publication des recommandations en 2017, cette commission de suivi s'est réunie à 11 reprises. La dernière réunion remonte au 19 novembre 2018. Dans l'accord de gouvernement fédéral, les partenaires de la majorité souhaitent que les recommandations soient mises en oeuvre, y compris sur le volet radicalisme. Certaines recommandations n'ont toujours pas été suivies d'effet. Par exemple, la banque d'informations commune aux différents services de sécurité n'a toujours pas vu le jour. La commission parlementaire de suivi l'avait officiellement rappelé en 2018 au Commissaire général de la police fédérale. La nouvelle ministre de l'Intérieur souhaiterait qu'elle voit enfin le jour, 5 ans après les attentats. La formation des Imams tarde aussi à se mettre en place.

Selon les chiffres de l'OCAM, 300 extrémistes islamistes sont actuellement repérés en Belgique. Parmi eux, 130 de retour de zones de combats (dont 40% sont en prison), les 170 autres sont des propagandistes de haine, des extrémistes violents et des condamnés pour terrorisme. Ces hommes et ces femmes sont suivis par différents services en fonction de leur dangerosité. Par ailleurs, la Belgique considère que 150 autres extrémistes islamistes belges sont vivants à l'étranger.

Selon les derniers chiffres d'Europol, en 2019, 1 attentat a été déjoué en Belgique (le 22 juin, un Belge de 22 ans a été arrêté, soupçonné de planifier un attentat contre l'ambassade américaine) et 11 personnes suspectées de terrorisme islamiste ont été arrêtées. En Europe, en 2019, 14 attentats djihadistes ont été déjoué et 3 ont été perpétrés (4 ont échoués) et 436 personnes ont été arrêtées dans ce contexte.

La Grande Mosquée, les mosquées, et l'influence étrangère

Selon plusieurs sources, le fonctionnement de la Grande Mosquée de Bruxelles inquiète toujours les services de sécurité qui restent vigilants. Pour rappel, suite aux travaux de la commission d'enquête parlementaire, la Grande Mosquée n'est plus gérée par l'Arabie saoudite pointée du doigt pour sa vision rigoriste de l'islam.

En janvier 2020, une ASBL proche de l'Exécutif des musulmans de Belgique (EMB) a déposé une demande de reconnaissance. Les services de sécurité doutent de la capacité de l'EMB a s'émanciper des tutelles étrangères. L'EMB, par ses structures, est loyal envers le Maroc et la Turquie. Il est cependant en cours de mutation : par exemple, 18 postes de théologiennes ont été ouverts aux femmes.

Trois chantiers devaient être entrepris : la continuité du culte local, la mise en place d'une "faculté de théologie" sans ingérence et le centre musée et culturel. Selon un agent qui suit le dossier de près : cela n'avance pas et l'Exécutif des musulmans de Belgique n'a pas compris l'importance du dossier. En effet, si l'Arabie Saoudite ne gère plus la Grande Mosquée de Bruxelles, ce lieu de culte est toujours soumis à l'ingérence de l'étranger, en particulier du Maroc et de la Turquie. Ces deux pays disposent de ministères des affaires religieuses (Habous pour le Maroc et Diyanet pour la Turquie) qui contrôlent une partie du culte.

Dans le cas de Diyanet (qui dispose du plus grand réseau de mosquées en Belgique), les prêches sont rédigés à Ankara avant d'être diffusés au sein de la diaspora turque. Ces prêches sont suivis par la Sûreté de l'Etat. Par ailleurs, la Diyanet est très conservatrice et met en avant l'identité turque. Elle met en place un véritable réseau afin de renforcer la cohésion de la diaspora turque en Belgique. Malgré plusieurs tentatives, l'Exécutif des Musulmans de Belgique n'a pas donné suite à nos demandes d'interview.

La formation des Imams

Après les attentats, la question de la formation des imams avait été au cœur des débats. La commission d'enquête parlementaire avait recommandé la mise en place d’une formation universitaire pour toute personne souhaitant devenir ministre du culte islamique. Cette formation comportera finalement deux volets : un civil et un théologique. En 2020, cette formation n'est pas totalement sur les rails.

En Fédération Wallonie-Bruxelles, le volet civil est assurée par l'UCLouvain. Deux certificats ("Religions et sociétés" et "Islam et vivre-ensemble") ont débuté en septembre 2020. Le volet théologique est confié à une ASBL (l'AFOR) proche de l'Exécutif des musulmans de Belgique. Cette partie de la formation n'a pas encore vu le jour.

Pour le volet théologique, il a fallu attendre le 18 mars 2020 pour que le fédéral débloque un budget de 192.000 euros. En raison de la séparation des pouvoirs garantie par la Constitution, l'Etat ne peut pas imposer aux imams de suivre ces formations avant de pouvoir prêcher. Par ailleurs, en Fédération Wallonie-Bruxelles, un Institut de promotion des formations sur l'Islam a bien été créé, mais il n'élabore pas de formations. Il ne recense que quatre formations de quelques heures sur l'islam de qualité (sic).

Les prisons

Dans une série de dossiers et d'enquêtes, elles sont apparues comme des lieux propices à la radicalisation. Selon les chiffres de la DG EPI, une centaine de détenus (106) présentent un risque élevé de radicaliser d'autres détenus ou de s'engager dans la lutte violente. Ils sont regroupés sur une liste particulière, la liste "CelEx". Ce nombre est stable par rapport aux attentats du 22 mars 2016. Après un pic en 2020, à 220 détenus, le chiffre est redescendu. La chute de l’EI, le confinement suite à la crise sanitaire, la diminution des groupements terroristes et l'augmentation des auto-radicalisés en ligne sont quelques-uns des facteurs pouvant expliquer cette diminution.

Dans les prisons, depuis le 8 octobre, les instructions pour gérer les détenus extrémistes ont été modifiées (l'ancienne version datait de 2018). RTLinfo a pris connaissance de ces nouvelles instructions.

Ces dernières années l'accent a surtout été mis sur les critères pour classer les détenus en fonction de leur radicalité, de leur dangerosité. Pour le criminologue Vincent Seron, la prise en charge globale des prisonniers est toujours insuffisante : "Je pense qu'en améliorant toujours un petit peu plus les conditions de détention, une meilleure formation au niveau du personnel pénitentiaire, on tendra vers une radicalisation moindre"

Ce manque d'encadrement n'est pas propre à la Belgique, "on vogue un peu entre différents modèles, soit d'isolement, de regroupement de détenus en fonction des caractéristiques de ces différents détenus", rapporte Vincent Seron. Pour mieux encadrer les détenus, le nombre d'aumônier a été augmenté : 26 conseillers islamiques sont désormais prévus. "Ce n'est évidemment pas suffisant pour prévenir la radicalisation en prison, estime le criminologue. Mais ça permet aussi aux détenus qui le souhaitent d'avoir peut-être un autre regard sur le sens qu'ils donnent à certaines idéologies".

Salafisme en Belgique

La Sûreté de l'Etat considère toujours le salafisme comme un danger indéniable pour notre démocratie. En Belgique, une centaine d'organisations (mosquées, centres culturels,...) sont épinglées. Selon nos informations, 70 % de la littérature islamique est héritée des années 1970-2000. Elle reste très imprégnée d'idées salafistes. Selon la Sûreté, l'influence du salafisme ne faiblit pas et une sous-catégorie est d'ailleurs en augmentation : le "madkhalisme". La Sûreté souligne le caractère totalitaire, raciste et antidémocratique de ce mouvement qui compte une grande proportion de convertis.

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