En ce moment
 
 

Livrés à leur sort, 6.500 Français handicapés sont EXILÉS en Belgique: "Cela prend des proportions inacceptables"

Livrés à leur sort, 6.500 Français handicapés sont EXILÉS en Belgique: "Cela prend des proportions inacceptables"
 
 

Ils sont autistes, polyhandicapés ou souffrent de maladies rares. Plus de 6.500 enfants et adultes sont "exilés" en Belgique faute de structures adaptées en France, une situation à laquelle un "livre noir du handicap", qui sera remis mardi aux députés, appelle à mettre fin.

"Nos concitoyens en situation de handicap, et notamment les plus sévèrement atteints, sont bannis de notre République, et aujourd'hui cela prend des proportions inacceptables", dénonce Christel Prado, présidente de l'Unapei, soulignant que le retard français remonte à "des décennies".

Pour que ces 1.500 enfants et 5.000 adultes puissent grandir et vivre à proximité de leurs familles, cette union d'associations de personnes handicapées mentales et leurs familles demande la création de places en France, alors que l'Assemblée commence à examiner le projet de budget 2016 de la Sécurité sociale.

Car le manque d'établissements spécialisés pèse lourdement sur les proches. Keltoum Bensalem, qui habite près de Lille, a un fils de 19 ans, Ryad. Diagnostiqué autiste tardivement, après avoir été déclaré "sourd profond", il a été pris en charge jusqu'à 16 ans en "semi-externat" dans une structure pour déficients auditifs à proximité, mais pas adaptée à ses besoins, a-t-elle relaté à l'AFP. Puis, "on nous a demandé de trouver un nouvel établissement".

La famille a cherché en vain une solution pour que Ryad reste près d'elle: "On a visité des instituts en France, des structures limitrophes en Belgique qui ressemblaient à des mouroirs, on a même commencé à envisager un hôpital psychiatrique".

Depuis trois ans, Ryad est dans un établissement belge, près de Liège, à 200 kilomètres de chez lui, où il semble "apaisé". "Il ne mord plus, ne frappe plus, ne se déshabille plus". Mais le problème est l'éloignement. "Au début, on allait le chercher pour le week-end mais il ne dormait pas, et on avait peur de détruire les progrès faits pendant la semaine. On a renoncé à le ramener pour une seule journée car cela nous faisait 800 kilomètres d'allers-retours. Alors on va le voir une fois tous les 15 jours. Comme on ne peut l'amener nulle part, on reste enfermés avec lui quelques heures dans la voiture".

Taxer les cigarettes électroniques pour céer de l'argent en faveur des personnes handicapées 

D'autres familles vivent encore plus loin (plus de 4.000 ne sont pas "frontalières" selon l'Unapei), et la qualité des établissements d'accueil belges est très variable. Depuis un accord franco-wallon entré en vigueur en mars 2014, des inspecteurs français peuvent y effectuer des contrôles.

La semaine dernière, la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, Ségolène Neuville, a annoncé le déblocage de 15 millions d'euros supplémentaires en 2016 pour créer des places dans des établissements existants en France, et développer des services à domicile.

Une annonce saluée par l'Unapei, mais à relativiser au regard des "250 millions d'euros" déboursés chaque année par l'Assurance maladie et les départements français pour financer la prise en charge en Belgique.

L'Unapei demande que ces sommes soient redirigées vers le financement d'établissements en France, et propose en complément d'instaurer une taxe sur les cigarettes électroniques, qui pourrait selon elle rapporter 90 millions d'euros par an.


47.000 personnes en plus dans solution d'accueil

Car les besoins sont énormes. Outre les "6.500 personnes exilées en Belgique", la France compte "plus de 47.000 personnes" sans solution d'accueil, qui vivent au domicile de leurs parents ou dans des structures inadaptées, souligne Mme Prado.

Certaines familles ont pris la voie des tribunaux. La justice a ainsi reconnu cet été des "carences" de l'Etat et accordé jusqu'à 70.000 euros de dédommagements à sept familles soutenues par l'association Vaincre l'Autisme, dont deux qui avaient dû envoyer leurs enfants en Belgique.

Mais "ce ne sont pas des indemnités qu'on veut pour nos enfants, c'est une vie", souligne Mme Prado.


 

Vos commentaires