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COVID 1 AN: notre journaliste a passé une journée à l'hôpital d'Ottignies, il a recueilli les souvenirs, parfois douloureux, du personnel

 
CORONAVIRUS
 

Il y a un an, les premiers patients covid débarquaient dans les hôpitaux. Depuis, le personnel soignant est mobilisé et régulièrement mis sous pression. Pour entendre son vécu, notre journaliste Gautier Falque a passé 12 heures à la clinique Saint-Pierre d'Ottignies, grand hôpital du Brabant wallon d'une capacité de 450 lits et où travaillent 1000 personnes par jour. Alors que la situation y est désormais redevenue plus calme, il a pris le temps de discuter avec 23 travailleurs, parmi lesquels des infirmières, médecins, techniciens de laboratoire, chefs de service, techniciennes de surface, pharmaciens rencontrés dans différents services (soins intensifs, unité covid, urgences, accueil urgences, oncologie, pharmacie, laboratoire ou encore le magasin). Plus de 830 malades Covid, dont certains sont malheureusement décédés, ont été soignés dans cet établissement qui dispose d'un important service de soins intensifs.

Il y avait des patients qu'on avait envie aider mais on n'y arrivait pas

L'UNITÉ COVID

Nous commençons la journée par l'unité Covid. Initialement, ce service était celui de médecine générale mais il a été transformé pour accueillir des patients infectés par le coronavirus. Les infirmières ont été particulièrement touchées par la crise.

Premier café et première réunion pour l’équipe. Moment où Louana, l’infirmière de nuit, fait son rapport au reste de l’équipe. Cette jeune infirmière nous l’avoue, elle a particulièrement souffert de cette crise: "Il y avait des patients qu'on avait envie aider mais on n'y arrivait pas forcément. Personnellement, j'ai eu vraiment difficile", soupire-t-elle.

Dans le couloir, la radio est allumée pour motiver les troupes. C’est dans cette ambiance que je me prépare à rentrer dans une chambre covid. Pour cela, je dois me "broler" comme disent les infirmières. En gros, m’habiller comme un cosmonaute. Je rentre dans la chambre d’un patient. Ici, plus de musique. Le silence. Seulement le bruit d’une assistance respiratoire. Dans le lit, un prêtre. Croix au cou, il est à moitié conscient mais dit "bonjour" à Andréa et Delphine, deux jeunes infirmières qui s’occupent de lui. Pour elles, c’est devenu une routine. Pendant les soins, elles me racontent des moments de la crise, qu'elles n'oublieront jamais. "Avec ma collègue, on lui tenait la main parce qu'on savait que c'était vraiment la fin. Il se tourne vers nous et nous dit qu'il nous aime toutes et qu'il est reconnaissant de ce qu'on fait. Du coup, j'ai commencé à pleurer", dit l'une. "On est les personnes que certains patients qui décèdent voient vraiment en dernier", ajoute l'autre.

Il fallait tout repenser, on avait l'impression qu'on n'y arriverait jamais, que c'était impossible

Comment se sont passées les premières semaines ? Sabine Gabriel, l'infirmière en chef du service se souvient. "Cela a été un raz-de-marée aussi bien dans nos esprits qu'au sein de l'unité, il a fallu tout remodeler. Je ne m'étais pas rendu compte de tout ce que ça allait engendrer en termes de changements dans la logistique du service. Les premiers mois ont constitué une énorme source de stress. On a eu besoin de personnel supplémentaire. Il fallait tout repenser, réétudier, on avait l'impression qu'on n'y arriverait jamais, que c'était impossible, que dès qu'on avait plus de 15 patients on était débordés alors qu'on est une unité pour 29 lits à la base et qu'on était déjà habitué à des patients réclamant de gros soins. Vraiment, on a été dépassé aujourd'hui par les événements au-delà de la maladie et de son impact. On avait l'impression qu'on menait un combat perdu d'avance", raconte-t-elle.

LES SOINS INTENSIFS

Ici, tout le monde a été mobilisé. Même pour la technicienne de surface de l’unité, le travail a considérablement évolué pendant la crise.

Paola, s’occupe du nettoyage dans le service. Un nettoyage qui a dû être intensifié. Mais pour elle, le plus dur, ce sont les images auxquelles elle a du assister : "Des choses que je n'avais pas l'habitude de voir, comme des gens mourir", dit-elle.

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Dans cette unité, la mort n’est pas une nouveauté pour les infirmières. Mais ici, c’était différent. Notamment pour Thelma, infirmière depuis 3 ans : "Le plus dur était de les voir souffrir et de ne pas pouvoir les aider. Il y a eu beaucoup d'adieu de patients. Ils réalisaient qu'on ne savait pas les soigner."

Les infirmières se sont serrées les coudes. Dans le couloir, on peut encore en voir des traces sur des plexiglas comme ce dessin de coeur avec ces mots: "force et courage".

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Sandrine, l'infirmière en chef, a été touchée de l’implication des gens de son équipe : "Ils se sont inscrits sur des plages horaires supplémentaires, en plus de leur horaire. Des mi-temps sont passés à temps-plein, des 80% qui sont passés à 120% (...) Elles ont donné sans compter, elles n'ont rien lâché, il a fallu que je leur impose des pauses. A un moment donné, on leur disait 'C'est fini, maintenant, vous rentrez chez vous, vous passez la main', parce qu'il fallait tenir le coup sur la longueur, on ne savait pas combien de temps cette crise allait durer."

Les émotions que le personnel des soins intensifs traverse déjà habituellement dans un service comme celui-ci étaient "accentuées", dit Sandrine, notamment à cause du nombre de personnes à soigner. Sandrine n’oubliera jamais cette crise : "La mort dans ces conditions-là, et aussi fréquemment, c'était dur. Il y a des moments et des visages que je n'oublierai jamais." Une difficulté, qui a malgré tout, permis de renforcer la cohésion au sein de l’équipe.

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LES INFIRMIER(E)S VOLANT(E)S

La plupart des services, dits non-essentiels ont été fermés ou réduits. Le personnel de ces unités a été déplacé dans les services qui accueillaient des patients covid. Les travailleurs réaffectés ont donc complètement changé de boulot. Aujourd’hui, certains n’ont toujours pas repris leur travail normal.

Laura, est d’habitude infirmière en chirurgie sauf qu’aujourd’hui, elle change de services régulièrement. Elle se souvient de ce fameux comité de concertation du 12 mars où l’urgence avait été déclarée dans les hôpitaux : "On a compris que le lundi notre service ne rouvrirait pas car toutes les opérations chirurgicales non urgentes avaient été annulées. Et donc, on s'est retrouvée à devoir aller chercher une affectation tous les matins pour savoir dans quel service on allait pouvoir aller travailler." Pour elle, la grosse difficulté, c’est de faire face à la mort : "En chirurgie, on n'a jamais de décès, et donc dans l'unité covid, on a eu un service assez lourd. On a eu cependant un soutien moral du médecin"

Pour Laura, ça c’est donc plutôt bien passé. Pour Sophie, par contre, ce changement a été moins bien vécu. Surtout lorsque cette secrétaire a été reversée aux Urgences : "J'ai été formée en moins de 48 heures et puis on m'a lâchée derrière un guichet avec de nouveaux horaires qui ont chamboulé ma vie durant plus de trois mois." Et pourtant, comme beaucoup d’autres, Sophie a été solidaire pour éviter une saturation de certains services, ce qui a probablement permis de sauver des vies.

On a vu les images d'Italie, on imaginait que cela arrivait, on était comme dans les tranchées où on attend la bombe

LES URGENCES

C’est la porte d’entrée de l’hôpital pour bon nombre de patients. À l’intérieur, tout le travail y a été impacté.

Nous sommes ici à l’accueil des urgences, l’endroit où les patients covid débarquaient. Assia, n’oubliera jamais certaines images : "Il y avait une dame âgée. Quand je l'ai vue, elle était toute bleue. Elle est décédée", dit-elle, la gorge nouée.

Derrière les portes, à l’intérieur des urgences, les consultations classiques ont repris. Mais lors du premier confinement, ce n’était que du covid. Stéphanie, chef infirmière du service, se souvient des premiers jours de crise : "On a vu les images d'Italie, on imaginait que cela arrivait, on était comme dans les tranchées où on attend la bombe qui arrive. Et elle est arrivée."

Sur place, tout a du être réorganisé. Et la relation au patient a changé : "Les gens s'accrochaient à notre regard ou, au contraire, fixaient un mur pour ne surtout pas nous voir." Luc, chef adjoint a lui été touché par les contacts avec les familles : "On a fait des photos de défunt pour la famille. Psychologiquement, on y était pas préparé."

Au lieu de donner deux boîtes de masques, on en donnait une seule parce qu'on ne savait pas si dans deux jours, on en aurait encore

SERVICES DE 2ÈME LIGNE: LE MAGASIN ET LE LABO

Les services qui fonctionnent dans l'ombre ont également été touchés. Notamment celui qui gère les stocks ou encore celui s'occupe des analyses. Là-bas aussi, l'année 2020 restera gravée dans les mémoires.

Face à certaines pénurie de matériel, Virginie, pharmacienne à l’hôpital, a du trouver des solutions en multipliant les appels à l’aide : "Il y a des personnes qui se sont décarcassées pour nous aider parce que parfois ce n'était pas facile." Parfois, il fallait aussi réfléchir à des solutions au sein même de l’hôpital : "On se dit que si on utilise tel matériel un peu plus longtemps que ce qui était prévu au départ."

Bref, quand on arrive à ce genre de pénurie, on n’en dort pas : "On se réveille la nuit en pensant qu'il faut trouver une solution."

Des nuits perturbées par les réflexions sur les pénuries de médicaments ou de matériel, il y en a eu aussi du côté du magasin. L’endroit de l’hôpital où sont stockés notamment les blouses de protection. "C'était l'article le plus critique, on a mis tout un circuit logistique en place, un circuit de lavage", se souvient Sébastien, le responsable logistique. Parfois, il fallait aussi rationner : "Au lieu de donner deux boîtes de masques, on en donnait une seule parce qu'on ne savait pas si dans deux jours, on en aurait encore."

Direction les laboratoires où des échantillons sont analysés en permanence.
Fouad, technicien de laboratoire doit travailler plus vite qu’avant. "Il y a eu beaucoup de changements, de nouvelles machines", ajoute-t-il. 
"On s'est tous formés sur le tas. On s'est organisé pour travailler même les week-ends pour que ça ne s'arrête jamais, surtout au moment des pics", précise Alicia, technologue de laboratoire. "Nous avons engagé des personnes avec des contrats à durée déterminée", poursuit Vincent Gérin, chef du service du laboratoire. Le nombre d'analyses a augmenté de 40% par rapport à la période d'avant-crise.

On veut surtout que les gens respectent les règles sanitaires afin qu'on soit débarrassé le plus vite possible de cette épidémie

APPLAUDISSEMENTS

Ont-ils été touchés par les applaudissements et marques de soutien, surtout visibles pendant la première vague ? "Cette solidarité m'a fait plaisir" dit une personne, "Ce genre de petite attention fait chaud au coeur", renchérit une autre. "On veut surtout que les gens respectent les règles sanitaires afin qu'on soit débarrassé le plus vite possible de cette épidémie", conclut une troisième.


 

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