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"Derrière les chiffres, on parle de personnes": pour ce directeur hospitalier, les nouvelles mesures ne sont pas suffisantes

 
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La situation dans les hôpitaux est plus que difficile. Le niveau de saturation risque d'être bientôt atteint. Est-ce que les nouvelles mesures vont suffire? Stéphan Mercier, administrateur délégué général du goupe Jolimont, était l'invité de Salima Belabbas dans le RTL Info 13h. Pour lui, la situation est alarmante et les mesures ne correspondent pas à la gravité de la situation.

Salima Belabbas: Stéphan Mercier, administrateur délégué du pôle hospitalier Jolimont à La Louvière. Les chiffres d’admissions à l’hôpital continuent d’augmenter. Est-ce que vous arrivez dans votre institution à gérer encore cet afflux de patients?

Stéphan Mercier: C’est difficile de parler de gérer un afflux de patients à ce stade-ci. C’est vrai que les chiffres sont en augmentation depuis deux semaines maintenant. Nous avons très précisément doublé le nombre de patients pris en charge dans nos hôpitaux. Donc, il y a 5 hôpitaux dans le groupe Jolimont. Nous avons doublé le nombre de patients pris en charge en une semaine et la nuit qui vient de s’écouler a été manifestement particulièrement difficile.

Salima Belabbas: On parle beaucoup de saturation. Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? Est-ce que vous n’arriverez plus dans quelques jours à soigner correctement les patients Covid et les autres patients?

S.M.: Cette notion de saturation est importante. On se souviendra qu’au moment de la première vague, les hôpitaux n’ont pas atteint la saturation et on avait tout mis en œuvre pour que les hôpitaux ne soient pas saturés. Ne pas être saturé, ça veut dire qu’à la première vague, nous avons pu prendre en charge tous les patients avec le personnel qu’on doit normalement affecter à chacune de leur pathologie, à chacune de leur prise en charge. Dans toutes les unités de soins intensifs, c’était, pour une écrasante majorité, du personnel qui était formé et habitué aux soins intensifs qui a pu prendre en charge ces patients. Quand on arrive à la saturation, ça veut dire qu’on doit rentrer dans un mode dégradé de prise en charge. On n’a encore jamais connu ça en Belgique, et on n’a pas du tout connu ça lors de la première vague. Ce moment-là ne nous semble plus si éloigné que ça. Il faut savoir que dans trois des cinq hôpitaux du groupe, nous avons déjà un nombre de patients pris en charge qui est supérieur au maximum que nous avions atteint lors de la première vague.

S.B.: Cette saturation peut arriver dans les jours qui viennent?

S.M.: Elle peut arriver dans les jours qui viennent, oui. C’est une question de jours, ce n’est plus une question de semaines.

On joue à la roulette russe.

S.B.: Les nouvelles mesures qui ont été prises seront-elles suffisantes pour éviter ce crash du système hospitalier?

S.M.: Hier matin, après les décisions du gouvernement fédéral, un de vos confrère m’a demandé si les autorités avaient joué au poker. Ce qui m’est venu comme image c’est que ce n’est pas un poker, c’est une roulette russe. Mais à la roulette russe, en général, on enlève toutes les balles du barillet et on en laisse une et aujourd’hui on ne voit plus ça que dans les westerns. Ici, on s’est trouvé dans un schéma où on est dans la vie réelle, on n’est pas dans un western et il y a encore beaucoup trop de balles qui sont dans le barillet.

S.B.: Et avec les mesures qui ont été annoncées hier soir ? Seront-elles suffisantes, ou bien selon vous, on n’a pas été assez loin?

S.M.: Il était indispensable qu’il y ait des mesures complémentaires qui soient prises. Dans ce sens-là, le gouvernement de Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles ont joué leurs rôles. Il me semble que c’était difficile pour eux d’aller encore au-delà dans l’annonce parce que l’écart est très important de ce qui a été annoncé par le fédéral pour le pays. Maintenant, il faut avoir les yeux en face des trous. On parle depuis plusieurs semaines d’un baromètre, un baromètre qui a quatre niveaux de gravité. On est très au-delà du quatrième niveau de gravité. On y est partout en Belgique, il y a que le Limbourg qui n’y est pas tout à fait. A chaque niveau de gravité d’un baromètre correspond un niveau de gravité de mesures et on a l’impression que les mesures prises ici sont de stade 2 ou 3.

Les hôpitaux ne sont pas dans un monde différent.

S.B.: Concrètement, vous demanderiez quel type de mesure?

S.M.: Il n’y a qu’une seule mesure qui a produit ses effets jusqu’à présent, on sait qu’elle est extrêmement dure, on sait qu’elle a un impact majeur sur l’économie. Ce qui est très difficile pour le personnel des hôpitaux c’est de se dire, qu’aujourd’hui, rien de ce qui est mis en œuvre n’a pu encore prouver ses effets et donc on va devoir attendre trop longtemps pour voir si ces effets-là sont présents. Maintenant, est-ce qu’il faut un confinement de la même durée, est-ce qu’il faut un confinement aussi strict? Je pense que bannir le mot "confinement" ça n’aide peut-être pas à la compréhension par la population de l’enjeu dans lequel on se trouve. Les hôpitaux ne sont pas dans un monde différent du reste de la société, les hôpitaux sont intégrés dans la société. Nos soignants font partie de la communauté, ils sont immergés là-dedans. Donc penser que les hôpitaux vont vivre une vie différente que celle qui est vécue par le reste de la population, je pense que c’est illusoire.

S.B.: Vous pensez qu’il y a un décalage entre ce que vit la population et la situation dans les hôpitaux?

S.M.: Très clairement ! Et ce pourquoi je voudrai plaider aussi c’est pour que tout le monde fasse l’effort de savoir que derrière les chiffres, on parle de personnes. C’est très facile de remplir un tableau excel en mettant X personnes en plus, X malades en plus, X contaminations, mais sur le terrain ce sont X personnes à prendre en charge, c’est chaque fois une personne individuelle. Quand un service d’urgence doit accueillir treize patients sur une seule nuit, je ne sais pas si on s’imagine ce que ça veut dire comme débauche d’énergie, comme débauche d’attention.

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