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Commission d'enquête Kazakhgate: l'avocat général De Wolf avoue avoir informé De Decker d'une évolution législative

 
 

L'ex-avocat général de Bruxelles Patrick De Wolf a avoué mercredi avoir "pris la main" le vendredi 18 février 2011 dans l'affaire Chodiev et averti l'ex-président du Sénat Armand De Decker, qui se trouvait dans son bureau comme avocat de Patokh Chodiev et consorts, de l'évolution possible de la législation sur la transaction pénale.

"Je crois me souvenir que c'est moi qui ai signalé qu'il était possible qu'il y ait une évolution", a indiqué M. De Wolf sous serment. L'avocat général est ensuite devenu confus et a promis des éclaircissements alors qu'il sera amené à revenir s'expliquer devant la commission d'enquête parlementaire sur l'exécution de la nouvelle loi sur la transaction pénale élargie. Pourquoi avoir repris en main ce dossier Chodiev?, se sont interrogés les députés PS Karine Lalieux et Eric Massin.

"J'avais la direction générale de tout. Est-ce qu'un dossier délicat, on le confie à un stagiaire? Il y en avait un qui venait d'arriver (...), s'est-il défendu. M. De Wolf est intervenu à plusieurs reprises dans le cheminement de la loi sur la transaction pénale élargie, en amont comme expert au parquet, comme magistrat de liaison au sein du cabinet de secrétaire d'Etat Carl Devlies où il a cherché à en connaître le suivi législatif, et ensuite comme avocat général à Bruxelles où il a "pris la main" sur le dossier Chodiev alors que des négociations venaient de débuter en vue de faire voter la loi.

Avant cela, il avait rédigé comme expert un texte sur la transaction pénale élargie et son exposé des motifs au ministre de la Justice Stefaan De Clerck en 2009. Le dossier n'avait plus évolué jusqu'au printemps 2011. Le député Georges Gilkinet (Ecolo) a accusé le gouvernement de n'avoir pas adopté un code de déontologie dans le cadre de la limitation des magistrats de liaison aux cabinets où cela s'avère strictement nécessaire, une recommandation sur la séparation des pouvoirs, émanant de la commission d'enquête Fortis.

Les déclarations de M. De Wolf ont fait l'effet d'une bombe mercredi soir au sein de la commission d'enquête parlementaire. Interrogé par les députés, M. De Wolf n'a toutefois pas indiqué qui l'avait informé de l'évolution possible de la législation alors que des négociations quasi-secrètes étaient en cours en février et mars 2011 au parlement. Il a dit ne pas avoir été au courant des négociations politiques en cours, renvoyant à l'annonce du ministre De Clerck d'aboutir en 2010. Or, "il y avait une fin de non-recevoir en 2009-2010 et on était en affaires courantes", a rappelé Karine Lalieux.

Patrick De Wolf a en revanche réfuté, comme l'a affirmé M. De Decker, avoir convoqué l'ex-président du Sénat et ses confrères dans son bureau. Le magistrat dit avoir reçu la visite inopinée de M. De Decker, venu seul, le 18 février 2011, lui annoncer que la chambre du conseil venait de rendre une ordonnance. Selon lui, il ne s'agissait pas au sens strict d'une ordonnance de renvoi vers le tribunal correctionnel, que les milliardaires voulaient éviter à tout prix.

"Jusqu'au 9 mars, on était parti sur une idée de suspension du prononcé, tant que la loi n'était pas passée", s'est-il souvenu mercredi. "Je crois me souvenir qu'il m'a demandé quelles étaient mes intentions. Je lui ai dit que sans voir le dossier je ne prenais pas position mais que j'allais interpeller encore aujourd'hui le parquet en leur demandant de faire rapport comme cela se passe toujours".

Cette période correspond au moment où Armand De Decker se rend avec sa consoeur française Catherine Degoul au domicile du ministre de la Justice Stefaan De Clerck, le dimanche 20 février. Il se rend également au cabinet de la Justice le lundi 21 février. "Le 22 on confirme à Armand De Decker et un autre avocat qu'un appel a été interjeté", a indiqué Patrick De Wolf, assurant n'avoir pas fait "cavalier seul" dans ce dossier, avoir été couvert par le procureur général, et n'avoir pas agi "pour faire plaisir à Armand De Decker". "J'ai été surpris voire très choqué d'apprendre par la presse qu'il a débarqué au domicile du ministre et au cabinet. Très franchement, je ne supporte pas interventions de l'extérieur. Le seul qui pourrait me dire quelque chose est le procureur général", a-t-il dit.


 

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