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Jan Jambon s'explique sur l'affaire Chovanec: il regrette une "erreur de communication" mais affirme n'avoir commis aucune faute

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Le ministre-président flamand et ex-ministre de l'Intérieur, Jan Jambon, a assuré samedi, devant la presse, qu'il n'avait jamais eu l'intention de déformer la vérité sur sa connaissance de l'affaire Chovanec. Il a toutefois regretté des "déclarations hâtives" et affirmé que son cabinet n'avait commis aucune faute dans le traitement de ce dossier.

Interrogé après la diffusion des images de l'intervention de policiers maîtrisant le citoyen slovaque à l'aéroport de Charleroi en février 2018, le ministre avait assuré qu'il n'était pas au courant de cette affaire. Mercredi, en commission de l'Intérieur, son successeur, Pieter De Crem, a toutefois expliqué qu'au mois de juillet 2018, les Affaires étrangères avaient transmis un rapport à ce sujet au cabinet de M. Jambon et que l'ambassadeur de Slovaquie à Bruxelles, Stanislas Vallo, avait même eu un contact avec le ministre sur ce dossier. Il est reproché au nationaliste flamand de ne s'est guère inquiété des suites de l'affaire qui implique directement la police et a mené au décès d'un homme.

Jan Jambon a convoqué la presse ce samedi dans sa commune de Braaschaat, en province d'Anvers, pour réagir à ces récents rebondissements.

Pour rappel, Jozef Chovanec, un ressortissant slovaque, est décédé en février 2018 suite à une intervention de la police à l'aéroport de Charleroi. Cet été 2020, des images sont apparues montrant une policière effectuer un salut nazi et un autre policier s'appuyer de tout son poids sur Jozef Chovanec durant de longues minutes.

En 2018, nous n'avions pas connaissance de l'existence des images

Celui qui était ministre de l'Intérieur à l'époque des faits a présenté sa propre ligne du temps des événements. "En 2018, nous n'avions pas connaissance de l'existence des images de la caméra de surveillance", a-t-il martelé à plusieurs reprises. D'après lui, ces "images terribles ne sont apparues que cet été. Quand je les ai vues, j'étais comme tout le monde. Ce que l'on peut voir dans ces images défie toute imagination. Je me suis immédiatement demandé: 'Est-ce que je me souviens de quelque chose à ce sujet?'. Mais ce que j'ai vu dans ces images était nouveau".

Jan Jambon a ensuite affirmé avoir vérifié le travail effectué par son cabinet en 2018. D'après lui, "le rapport de la police reçu à l'époque ne montrait aucune erreur manifeste lors de l'intervention".

Dès le 25 février, les faits sont passés dans le giron de la justice et le service d'enquête du Comité P a été sollicité par un juge d'instruction. "Dès ce moment, ce n'est plus un dossier du ministre de l'Intérieur. Il doit faire preuve de réserve, c'est aux mains de la justice", a fait remarquer M. Jambon.

Concernant les contacts avec l'ambassadeur de Slovaquie, Jan Jambon a indiqué que "la reconstitution montre que l'ambassadeur est venu le 2 mars. Il a ensuite été reçu par deux de mes employés, car j'étais à l'étranger à l'époque". L'ancien ministre de l'Intérieur a ensuite reconnu avoir participé à une réunion par la suite, bien qu'il l'ait nié jusqu'à présent. "Je ne me souvenais pas de la brève conversation car une attaque avait eu lieu à Liège peu de temps auparavant", a-t-il expliqué ce samedi.

"J'ai commis une erreur de communication en réagissant trop vite, mais aucune erreur n'a été commise dans le traitement du dossier. Personne ne demande ma démission, je peux toujours fonctionner parfaitement en tant que ministre-président flamand", a-t-il ajouté.

Avez-vous menti?

Suite à ses explications devant la presse, notre journaliste Mathieu Col et notre caméraman Guillaume Wils ont interrogé Jan Jambon en interview. "Avez-vous menti?", d'abord lancé notre reporter. "Je ne pense pas, parce que mentir ça veut dire que vous avez l'intention de changer la vérité, ou de ne pas dire la vérité. Ici c'était plutôt une question de ne pas avoir retenu ce qu'il s'est passé. Donc non, ce n'est pas un mensonge. [...] Mais j'ai fait une erreur de communication, ça c'est clair, mais pas un mensonge", a répondu Jan Jambon.

L'ancien ministre de l'Intérieur a ensuite précisé comment s'est déroulé son entretien avec l'ambassadeur de Slovaquie. Une rencontre survenue peu après les faits. "C'était un entretien assez court. C'était le jour après les attaques à Liège, avec le décès de deux agents de police. Et c'était juste avant les commémorations de ces victimes. Donc j'ai brièvement vu l'ambassadeur. Il a demandé la situation de l'enquête, et moi j'ai dit que je ne pouvais rien dire. Donc ça n'a eu aucune importance dans le dossier lui-même", a-t-il indiqué.

Personne à ce moment-là ne connaissait ces éléments qui sont maintenant dans ce film, qui sont dégueulasses

Quelles informations étaient à la disposition de l'ex-ministre de l'Intérieur à l'époque? Avait-il vu les images de vidéosurveillance? Nous lui avons posé la question. "Comme tout le monde, je n'ai vu la vidéo il y a seulement quelques jours cet été. A cette époque-là, j'ai appelé plusieurs personnes, des collaborateurs et des gens qui ont des responsabilités dans la police, et personne à ce moment-là ne connaissait ces éléments qui sont maintenant dans ce film, qui sont dégueulasses, comme on peut dire", a-t-il répondu.

Selon le ministre-président flamand, les informations qu'il détenait à l'époque n'indiquaient pas de faute policière durant l'intervention. "Mon collaborateur s'est basé sur le rapport de la police. Dans le rapport il était indiqué qu'il y avait une certaine tension, mais rien sur ce salut nazi, rien de ça n'est dans ce rapport".

Jan Jambon a-t-il pensé à démissionner?

Pourquoi s'être exprimé devant la presse quelques jours avant son audition devant la commission au Parlement? Réponse de Jan Jambon: "Parce qu'il y a cette demande de l'opinion publique. Et chaque jour on est en train d'élargir ce cas. Je pense que c'est bien maintenant de dire: ça c'est ce que je sais".

Ultime question de cette interview: Jan Jambon a-t-il songé à démissionner? "Non, parce que moi ou mon cabinet, et c'est indivisible, nous n'avons pas fait d'erreur dans le dossier. J'ai fait une erreur de communication, et je prends la responsabilité pour ça. Mais pas de démission", a répondu le ministre-président flamand.

Jan Jambon sera entendu mardi en commission

Les commissions de l'Intérieur et de la Justice de la Chambre entendront mardi M. Jambon ainsi que l'actuel commissaire général de la police fédérale, Marc De Mesmaeker, et sa prédécesseure, Catherine De Bolle.

Le cabinet Jambon avait bien été averti

Jan Jambon a toujours affirmé n'avoir pas été mis au courant. Un rapport lui a pourtant été envoyé deux jours après les faits. L'homme politique a décidé de ne pas attendre pour donner sa version des faits. Il a reçu des éléments par mail deux jours après l'intervention par des policiers de l'aéroport de Charleroi. Le courrier a été envoyé le 26 février par la police au cabinet du ministre de l'Intérieur, soit avant que Josef Chovanec ne décède officiellement à l'hôpital.

"Voici un rapport des événements. J'attire votre attention sur le fait que des amis de la personne concernée ont filmé une partie de l'intervention et que la vidéo sera probablement transmise à la télévision slovaque. Des collègues ont également été blessés à la suite de l'incident", peut-on lire dans un mail envoyé le 26 février 2018.

Il n'y a jamais eu, jamais, aucun mot qui m'a été dit à ce sujet

L'opération de police a commencé dans l'avion et non dans la cellule que l'on aperçoit dans la vidéo. Le rapport détaille aussi l'intervention du médecin. Mais selon ceux qui ont pu le consulter, il ne conte en rien la réalité des faits. Il ne contient d ailleurs pas les images de la caméra de vidéosurveillance. "Je n'ai jamais entendu un mot de cette affaire. J'ai été en contact avec l'actuel directeur général de la police et aussi avec le précédent. Il n'y a jamais eu, jamais, aucun mot qui m'a été dit à ce sujet", assurait Jan Jambon dans une interview le 20 août dernier. 

Et voilà le problème. Le numéro 1 flamand assurait n'en avoir jamais entendu parlé. Et puis, finalement, il ne s'en souvient pas. C'est là que le bât blesse, puisque si l'on en croit l'ambassadeur slovaque, Jan Jambon ment.

Une note relatant une réunion aux Affaires étrangères l'atteste. "Le 2 juillet 2018, le directeur B1.1 a reçu l'ambassadeur de Slovaquie. Il revenait au sujet de la mort de Chovanec et déclare qu'il a eu entre-temps un contact avec le ministre de l'Intérieur à propos de ce décès", affirme une note des Affaires Etrangères datée du 25 juillet 2018.

Ce contact a eu lieu le 2 mars 2018, soit trois jours après le décès de Josef Chovanec. Le rapport est sans équivoque mais aujourd'hui celui qui était Ambassadeur à l'époque ne veut pas confirmer. Toujours est-il que plusieurs employés du ministre de l'Intérieur était au courant même son chef de cabinet. Le ministre en est théoriquement responsable.


 

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