Un adolescent de 15 ans poignardé une cinquantaine de fois puis "brûlé vif" mercredi, un chauffeur VTC de 36 ans, père de famille, "froidement abattu" vendredi par un gamin de 14 ans: les narchomicides ont atteint "une sauvagerie inédite" cette semaine à Marseille.
Les mots du procureur de la République de Marseille étaient aussi sombres dimanche que le ciel de la deuxième ville de France.
Soulignant "un ultra-rajeunissement" des auteurs de ces homicides et une victime vendredi "totalement extérieure à tout trafic de stupéfiants", Nicolas Bessone a estimé, lors d'une conférence de presse, qu'"un degré supplémentaire" avait été franchi.
Il y a "une perte totale de repères qui va faire que des jeunes garçons vont répondre à des annonces, pas pour aller faire les vendanges ou même pour vendre de la résine de cannabis sur un point de deal, mais pour aller ôter la vie d'autrui sans aucun remords, sans aucune réflexion".
Et le "rôle des réseaux sociaux commencent à nous questionner", a ajouté le magistrat, soulignant l'"amateurisme effrayant" de ces jeunes.
La police et la justice marseillaise pensaient avoir tout vu en 2023 avec un nombre de morts record (49) et un rajeunissement extrême des petites mains des trafics, ces jobbers, des petites mains des trafics souvent recrutées loin de Marseille, utilisés comme de la chair à canon par les têtes de réseaux comme la DZ Mafia ou Yoda.
Cette année, le conflit s'est déplacé des quartiers nord vers le centre ville, dans le 3e arrondissement, vers la Belle de Mai, un des quartiers les plus pauvres d'Europe. Et la DZ Mafia, qui avait pris l'ascendant sur Yoda, est désormais opposée au "clan dit des blacks de la cité Félix Pyat, notamment pour la prise de contrôle du point de deal de la cité du Moulin de Mai", a expliqué le procureur.
La plupart des 17 narchomicides recensés par l'AFP depuis janvier sont liés à cette guerre, selon le parquet, et la violence s'est accélérée cette semaine, avec deux nouveaux morts.
Mercredi, un jeune de 15 ans avait été recruté pour 2.000 euros, via les réseaux sociaux, par un homme de 23 ans détenu près d'Aix-en-Provence et se présentant comme appartenant à la DZ Mafia.
Supposé intimider un concurrent en mettant le feu à la porte de son appartement, l'adolescent a été repéré par une bande présente au pied de l'immeuble. S'en est alors suivi un acte d'une "sauvagerie inédite": "Il va être lardé de 50 coups de couteau et conduit à la cité Fonscolombes, où, selon les résultats de l'autopsie, il va être brûlé vif", a indiqué Nicolas Bessone.
- Une vengeance qui tue un innocent -
Le même détenu, au "casier sérieux" mais "pas connu dans les radars pour être au sommet de la pyramide", tente alors de se venger. Il recrute, encore sur les réseaux sociaux, un autre jeune, âgé de 14 ans seulement et originaire du Vaucluse, pour aller tuer un membre des Blacks, pour 50.000 euros cette fois.
Conduit dans une chambre d'hôtel, où il est rejoint par un autre adolescent, toujours en fuite et activement recherché, le candidat tueur commande un VTC pour aller exécuter son contrat. "Ils vont demander au chauffeur de les déposer et de les attendre, mais visiblement celui-ci "n'obtempère pas" et le mineur "lui tire une balle mortelle à l'arrière du crâne".
Nessim Ramdane, footballeur amateur de 36 ans, "qui pour faire vivre sa famille avait également cette activité déclarée de chauffeur" insiste le procureur, est la première victime collatérale de l'année.
Autre élément paradoxal de ce dossier et à ce stade inexpliqué: c'est le commanditaire lui-même de ce contrat qui a appelé la police, au 17, pour dénoncer le jeune assassin, qui n'avait donc pas rempli sa mission, permettant son interpellation.
En garde à vue, le mineur, placé en foyer depuis ses neuf ans avec des parents eux-mêmes détenus dans des affaires liées aux stupéfiants, a reconnu avoir tiré sur le chauffeur, expliquant cependant que le coup serait "parti accidentellement". Dimanche soir il a été placé en détention provisoire dans le quartier pour mineurs d'une prison de la région.
"Il est impératif de prendre la pleine mesure des ravages liés aux trafics de stupéfiants, qui sapent les fondements mêmes de notre société", avec des jeunes "grisés par l’argent facile de la drogue, (...) jusqu’au mépris total de la vie humaine", avait alerté en septembre Franck Rastoul, procureur général de la cour d'appel d'Aix-en-Provence lors de son discours de rentrée.
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