Le procès de l'attentat du Musée juif de Belgique se poursuit ce lundi. Les deux procureurs vont requérir pour tenter de démontrer la culpabilité de Mehdi Nemmouche et Nacer Bendrer. Les deux hommes sont accusés d'être auteur et co-auteur de l'attentat survenu le 24 mai 2014. Quatre personnes avaient perdu la vie. Notre reporter Dominique Demoulin est sur place pour suivre le procès en direct.
Les deux procureurs, l'avocat général Yves Moreau et le procureur fédéral Bernard Michel, qui représentent la société civile, tenteront de démontrer la culpabilité des deux accusés. Ils vont présenter différents éléments d'enquête qui, pour eux, constituent des preuves.
Dès que j'ai eu une réponse affirmative aux quatre questions, j'ai su que l'auteur de la tuerie au Musée juif avait été arrêté
La tuerie a constitué la première attaque terroriste islamiste sur le sol belge, commise par des personnes qui sont "parties en Syrie se nourrir de haine contre l'Occident", a souligné d'emblée le procureur, qui a dénoncé un acte "lâche". M. Michel s'est souvenu de la "vision dramatique, horrible, de l'impression de silence" qui l'a envahi lorsqu'il est descendu sur les lieux des faits, le 24 mai 2014. "Un silence lourd, interrogateur, d'effroi, d'incompréhension. Un silence qui marque, le même que j'ai ressenti au métro Maelbeek, et que mes collègues français ont dû ressentir à Charlie Hebdo et à Paris". Tous ces attentats sont "nés dans le même moule, leurs auteurs étaient animés par la même intention, (...) au nom d'une religion dont ils ont tordu les fondements", a poursuivi le procureur fédéral.
Le 30 mai 2014, lorsqu'il a été informé de l'arrestation de Mehdi Nemmouche à Marseille, Bernard Michel a posé quatre questions à son homologue français. Le suspect portait-il une casquette Nike? La crosse de sa kalachnikov était-elle repliable? Portait-il une caméra de type Gopro? Des chaussures à semelle claire? "Dès que j'ai eu une réponse affirmative aux quatre questions, j'ai su que l'auteur de la tuerie au Musée juif avait été arrêté. Il y a eu de l'apaisement, parce qu'on craignait un scénario à la Mohamed Merah", soit de nouvelles tueries, a expliqué le magistrat.
Une défense "stupide, choquante et scandaleuse"
Pour ce dernier, le silence sur le lieu des faits "fait écho" à celui de Mehdi Nemmouche, "qui semble si peu concerné alors qu'il avait promis un grand déballage". Ce silence est "indécent et provocateur à l'encontre des familles", a insisté M. Michel.
Dans la suite de son intervention, le procureur a qualifié la défense de Mehdi Nemmouche de "stupide, choquante et scandaleuse". Du côté du conseil du principal accusé, son avocat Sébastien Courtoy est, encore une fois, absent.
Quant à Nacer Bendrer, le procureur a dénoncé ses "mensonges" et ses trous de mémoire, qui témoignent selon lui de sa "lâcheté". Face à ce silence et ces mensonges, c'est à vous de construire une vérité judiciaire, a-t-il adressé aux jurés. "Nous ne nous promenons pas avec une guillotine sous le bras", a encore dit M. Michel, en référence à une remarque de l'avocat de Mehdi Nemmouche. "Notre présentation du dossier sera objective et impartiale", a conclu le magistrat, qui a préventivement dénoncé la "lecture tronquée" des conseils du principal accusé, qui va essayer d'attirer la cour dans "la toile qu'ils ont tissé".
Le procureur, qui a déjà indiqué qu'il demandera au jury de prononcer la culpabilité de Mehdi Nemmouche et Nacer Bendrer, a ensuite laissé la parole à son collègue Yves Moreau. Celui-ci a entamé la partie théorique du réquisitoire en expliquant en détail le rôle des représentants du ministère public.
Nacer Bendrer doit être reconnu complice des assassinats et non co-auteur
Le procureur Yves Moreau a déclaré, lundi en fin de matinée, que Nacer Bendrer devait être déclaré complice des quatre assassinats à caractère terroriste commis au Musée juif de Belgique le 24 mai 2014, et non co-auteur. En d'autres termes, selon l'accusation, Nacer Bendrer a fourni une aide "accessoire" et non une aide "importante" à la commission des faits.
Le procureur a entamé, dans son réquisitoire, un long passage sur la question de la corréité, soit le fait d'être co-auteur d'une infraction, et la différence entre cette notion et la complicité. Le code pénal indique que doivent aussi être sanctionnés ceux qui ont apporté une aide à l'auteur matériel d'un fait, a souligné Yves Moreau. Cette aide peut être importante. Dans ce cas, on estime que le co-auteur a commis une faute aussi grave et il encourt dès lors la même peine. Si l'aide est en revanche accessoire, le complice n'encourt que la peine immédiatement inférieure, a détaillé le procureur. "Dans le cas de Mehdi Nemmouche, c'est évident, limpide, il est l'auteur de la tuerie. Nacer Bendrer, c'est plus nuancé. On lui reproche d'avoir fourni des armes, et uniquement cela", a affirmé M. Moreau.
Le Marseillais avait été inculpé par la juge d'instruction pour complicité, mais il a finalement été renvoyé par les chambres d'instruction devant la cour d'assises comme co-auteur, a-t-il rappelé.Le ministère public a demandé il y a quelques jours à la présidente d'ajouter dans les questions posées au jury, celles concernant la complicité de Nacer Bendrer, en plus de celles sur la corréité.
Le procureur a précisé, avant d'être interrompu par une suspension de l'audience, que Nacer Bendrer devait selon lui être condamné comme complice du quadruple assassinat à caractère terroriste, et non comme co-auteur. "Fournir des armes pour commettre une tuerie, c'est grave, c'est une aide déterminante. Mais sans être impliqué dans autre chose, on peut considérer que c'est moins grave que celui qui a appuyé sur la gâchette", a résumé M. Moreau.
Pour rappel
Mehdi Nemmouche et Nacer Bendrer, deux Français âgés de 33 et 30 ans, sont accusés devant la cour d'assises de Bruxelles d'être auteur et co-auteur de l'attaque terroriste commise le 24 mai 2014 au Musée juif de Belgique, situé rue des Minimes à Bruxelles. L'attentat avait coûté la vie à quatre personnes: Emmanuel et Miriam Riva, un couple de touristes israéliens, Dominique Sabrier, une bénévole du musée, et Alexandre Strens, un employé du musée.
Mehdi Nemmouche avait été arrêté six jours après les faits, le 30 mai 2014, à la gare routière de Marseille. Il était en possession de munitions et d'armes, dont une kalachnikov et un revolver, qui ont servi lors de l'attaque au Musée juif.
Selon l'enquête, il est celui qui a fait feu sur les quatre victimes à l'intérieur du musée, l'homme visible sur les images de caméras de vidéo-surveillance dans et autour du musée lors de l'attaque, et qui avaient fait l'objet d'un avis de recherche largement diffusé.
Mehdi Nemmouche ne conteste pas avoir possédé les armes du crime, mais il nie être le tireur.Quant à Nacer Bendrer, arrêté le 9 décembre 2014 à Marseille, il est soupçonné d'avoir fourni les armes à Mehdi Nemmouche.
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